LLorsqu'on étudie un récit, il faut être particulièrement attentif à la structure du récit, à son rythme et au choix du point de vue adopté.
Ces notions sont intéressantes à connaître au niveau collège. Elles sont à maîtriser dès la dernière année de collège (en 3ème) et seront exploitées utilement au lycée. Comprendre toutes ces notions, c'est comprendre le travail de l'écrivain et mieux apprécier l'oeuvre qu'il nous propose. C'est aussi disposer de plus d'outils pour être écrivain à son tour, c'est-à-dire pour composer des rédactions de meilleure qualité.
RAPPELS DE BASE
L'auteur d'une oeuvre est celui qui l'a créée et qui la signe. C'est l'écrivain, une personne réelle.
Le narrateur est l'être inventé par l'auteur pour raconter l'histoire. Il est le « conteur » du récit.
Le personnage est l'être imaginaire qui vit et accomplit les actions de l'histoire
STRUCTURE DU RECIT
Début du récit
Le début d'un récit se nomme un incipit. Cela concerne les premières lignes de ce récit ou le premier paragraphe, la première page... au maximum les premières pages du premier chapitre.
Le mot « incipit » vient directement du verbe latin « incipere » = commencer.
L'incipit plonge le lecteur dans le récit. D'après l'incipit, le lecteur identifie le genre littéraire du récit et commence à chercher des repères pour sa lecture.
Ordre du récit
L'écrivain choisit l'ordre dans lequel il présente les événements de son récit. Il opte pour l'ordre chronologique ou non.
Ordre chronologique
La plupart du temps, un récit suit un ordre chronologique. Les événements racontés suivent alors la progression du temps qui passe.
L'écrivain respecte en effet souvent le schéma narratif traditionnel qui se résume en :
- une situation initiale
- un élément perturbateur (= élément déclencheur) : qui perturbe la situation initiale et lance l'intrigue,
- un déroulement avec des péripéties, qui forment l'intrigue et l'intérêt du récit (= sa dynamique),
- un dénouement : la fin du récit, qui mène à une situation finale.
Le lecteur découvre au fur et à mesure les événements tels qu'ils se sont déroulés ou tels qu'ils se déroulent. Ce choix favorise l'effet d'attente, le suspense.
Remarque : En tant qu'élève, pour une rédaction au Brevet, il est conseillé de choisir un récit suivant un ordre chronologique. Le correcteur risque sinon de ne pas comprendre que vous avez délibérément choisi de bouleverser la chronologie. Le reste du temps, vous pouvez bien entendu choisir la structure du récit que vous voulez et qui vous semble la plus adéquate.
Bouleversement de la chronologie : retour en arrière, anticipation, in medias res
L'écrivain peut décider de bouleverser la chronologie des événements et faire des retours en arrière (dans le passé) ou bien anticiper les événements (dans le futur). Il peut décider aussi de plonger le lecteur en plein coeur de l'histoire. D'une manière générale, tout ce qui brouille la chronologie entretient le trouble mais aussi le plaisir du lecteur. Les romans policiers et fantastiques utilisent donc souvent ces procédés.
Retour en arrière
Un récit qui revient en arrière (= flash back au cinéma) est appelé un récit rétrospectif. Dans un récit ayant pour temps de référence le passé, ces retours en arrière se font généralement au plus-que-parfait et autres temps composés du passé. Les retours en arrière servent souvent à expliquer la situation présente.
Anticipation
Une phrase (voire un passage) qui annonce les événements futurs se nomme une anticipation. Dans un récit ayant pour temps de référence le passé, les anticipations se font souvent au conditionnel (avec une valeur de futur dans le passé ). Avec une anticipation, le narrateur joue avec le lecteur : il relance son attente et pique sa curiosité.
In medias res
In medias res (du latin « au milieu des choses ») est une technique narrative qui fait commencer le récit au cœur de l'intrigue. Cette technique permet d'entrer dans l'histoire d'une façon plus vivante qu'avec une ou plusieurs scènes d'exposition, particulièrement quand le sujet s'avère long à expliquer, et les personnages nombreux. Les personnages, le cadre et le conflit seront alors souvent présentés par une série de retours en arrière ou bien par des personnages se racontant entre eux des événements passés.
Petites remarques générales sur la structure du récit
- L'écrivain doit soigner les indications de date, de durée, de fréquence et doit situer clairement les événements les uns par rapport aux autres pour favoriser la compréhension du récit par le lecteur.
- Un récit peut aussi contenir d'autres récits.
Le premier récit est alors appelé récit cadre. Le deuxième, contenu dans le premier, se nomme un récit encadré.
Le récit encadré est souvent un récit rétrospectif (rappel : un récit rétrospectif est un récit qui revient en arrière ; ceci correspond à un flash back au cinéma). Le narrateur interrompt alors son récit en cours pour rapporter des faits antérieurs. Le narrateur rapporte par exemple un souvenir de jeunesse.
Parfois ce récit encadré est pris en charge par un nouveau narrateur : un personnage raconte par exemple une histoire qui lui est arrivée ou dont il a entendu parler, une anecdote, etc.
RYTHME DU RECIT
Faire avancer le récit
Le narrateur ne peut pas tout dire dans le détail. Il doit faire des choix. Ainsi certains épisodes seront évoqués très rapidement pour provoquer une accélération du rythme du récit (par exemple avec un enchaînement de verbes au passé simple). Le narrateur peut même décider de ne pas parler de certaines périodes en procédant à des ellipses narratives : une ellipse narrative est la mise sous silence d'un moment de l'histoire. Ces ellipses narratives peuvent avoir une simple utilité pratique : le narrateur ne s'attarde pas sur des événements sans importance pour la suite de son récit. Elles peuvent aussi délibérément taire un épisode important mais qu'on révélera plus tard au lecteur, pour le surprendre.
Ralentir le récit
A certains moments, l'écrivain va délibérément s'attarder sur certains faits, gestes ou périodes afin de ralentir le récit. Le ralentissement du récit correspond au développement particulièrement long d'une scène qui en réalité n'a pas duré très longtemps. Le narrateur utilisera alors une description détaillée (en employant des verbes à l'imparfait pour un récit au passé). Le récit encadré sert également parfois à ralentir la progression du récit cadre.
POINTS DE VUE
Qu'est-ce qu'un point de vue ?
Regardons dans un dictionnaire. On découvre qu'un point de vue, c'est...
C'est un endroit où on se place pour voir un objet le mieux possible. Ou bien un endroit d'où l'on jouit d'une vue étendue, pittoresque (= panorama, vue)
C'est une notion abstraite, une manière particulière dont une question peut être considérée (= perspective, angle de vue)
C'est une opinion particulière (= avis, opinion)
Ainsi, d'un endroit particulier (un point de vue), on a une vision physique particulière qui entraîne une façon particulière de voir les choses (un point de vue) et du coup un avis particulier (un point de vue).
Le point du vue du narrateur
L'écrivain a le choix entre 3 points de vue du narrateur. Bien sûr, chaque point de vue a ses avantages. L'écrivain peut donc changer le point du vue du narrateur au cours du récit et même d'un paragraphe ou d'une phrase à l'autre. Il peut aussi faire le choix d'un seul point de vue du narrateur du début jusqu'à la fin, mais c'est plus rare.
En tant que lecteur, on repère les différents points de vue en étant surtout attentif à la présence ou non dans le texte :
- de repères spatio-temporels plus ou moins variés et plus ou moins précis,
- d'indications sur les personnages, plus ou moins précises et portant sur plus ou moins de personnages.
Le point de vue interne
Le point du vue interne est un point de vue qui vient de l'intérieur : un personnage de l'histoire sert de narrateur (même s'il ne dit pas « je »). C'est à travers lui que le lecteur découvre les événements. Le lecteur a accès aux pensées de ce personnage, à ses sentiments, à ses connaissances et à sa vision des choses, qui est forcément limitée. Les repères spatio-temporels sont ceux connus par le personnage-narrateur. Le champ de vision est seulement celui de ce personnage. Ce champ évolue au fur et à mesure des déplacements de ce personnage. Des indications peuvent être données sur d'autres personnages mais elles sont réduites à la connaissance qu'en a le narrateur interne. Bien entendu, on trouvera souvent du discours indirect libre dans ce type de point de vue. En résumé, en point de vue interne, le lecteur en sait autant que le personnage - narrateur interne : ni moins ni plus. Il vit à son rythme, voit avec ses yeux, pense avec lui, etc.
Le point de vue omniscient
Le point de vue omniscient (du latin « omni scio » = je sais tout) est un point de vue qui vient de partout. Le narrateur ressemble à Dieu ou du moins à l'écrivain : il sait tout, il voit tout. Les repères spatio-temporels peuvent être multiples et très précis car le champ de vision est maximal. Le narrateur omniscient peut fournir toutes les indications possibles sur le passé, le caractère, la vie et les pensées de tous les personnages de l'histoire. Avec lui, le lecteur peut donc bien comprendre l'histoire. En point de vue omniscient le narrateur peut faire le choix de raconter sans jamais faire de commentaire ; il adopte alors un ton neutre. Il peut aussi choisir un ton personnel et faire de petits commentaires, souvent pour créer une sorte de connivence avec le lecteur. En résumé, en point de vue omniscient, le lecteur en sait plus que les personnages, comme l'écrivain. Comme un dieu, il voit tout, sait tout, peut être à plusieurs endroits différents à la fois, voyager dans le temps et dans l'espace.
Le point de vue externe
Le point de vue externe est un point de vue qui semble placé en observateur, à l'extérieur du récit. Le narrateur externe ne sait rien. Il n'est pas un personnage mais une sorte d'objet comme une caméra qui filme, qui montre mais qui n'explique rien. Le lecteur suit l'histoire comme un nouveau venu ignorant qui découvre sans cesse des choses car il n'est au courant ni de l'identité des personnages ni des raisons de leurs comportements ni de ce qui s'est passé auparavant ni même parfois du lieu où on se trouve, etc. Souvent, le narrateur externe ne témoigne d'aucune impression personnelle. Il paraît découvrir, sans le comprendre vraiment, ce qu'il relate. Son champ de vision est réduit, les repères spatio-temporels sont limités ou inexistants. Le point de vue externe permet ainsi d'intriguer le lecteur et l'oblige à être actif. Il est fréquemment employé dans les romans des années 1950 (appelés « Nouveaux Romans »). Il est aussi utilisé dans d'autres types de romans, à d'autres époques : au début des romans policiers par exemple, souvent associé avec une entrée « in medias res ». En résumé, en point de vue externe, le lecteur a très peu d'informations et en sait moins que les personnages. Il assiste aux scènes, découvre les faits comme les gens et cherche à comprendre.